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Réussir son entreprise: Antoine Grandjean ou la passion de l’acoustique

Dans le bureau d’Antoine Grandjean au rez-de-chaussée de la maison familiale, l’ambiance est au calme et à la sérénité. Pas un bruit pour perturber la conversation. Rien d’étonnant à cela puisque notre hôte est ingénieur acousticien et qu’il utilise cet espace comme showroom.

Vous êtes Français. Comment êtes-vous arrivé à Bruxelles ?

Antoine Grandjean : En 2003, à l’issue d’études d’acoustique effectuées dans une faculté spécialisée dans le bruit et les vibrations au Mans, j’ai cherché un stage à l’étranger. Une société située à Huy et spécialisée dans la conception et la fabrication d’enceintes de haute qualité pour les studios d’enregistrement m’a accueilli et m’a même embauché à l’issue de mon stage. Pendant trois ans, j’ai alterné commercial, gestion de projet et pas mal de terrain. J’y ai beaucoup appris en matière de bâtiment.
En 2006, je suis passé chez dB Mute à Bruxelles, une société active dans l’acoustique plutôt à destination des particuliers, des restaurants, autant de secteurs nouveaux pour moi. Là aussi, j’ai appris une foule de choses, mais au bout d’un peu plus de trois ans et demi, je me suis rendu compte que j’avais fait le tour de la question et que la marge de négociation avec ma direction était très réduite. Il était donc temps pour moi de voler de mes propres ailes. C’est ainsi que j’ai créé Made In Acoustic en avril 2010.

Quel est votre créneau ?

A.G. : Nous travaillons sur différents types de projets toujours liés au bruit. Selon les années, 80 à 90 % de notre chiffre d’affaires concerne les professionnels : en plus de l’aménagement de studios d’enregistrement et de la fabrication sur mesure de panneaux acoustiques, Made in Acoustic fait du conseil, collabore avec des architectes pour des études acoustiques destinées à trouver des solutions anti-bruit à différents type de problème rencontrés entre autres par des bureaux ou des restaurants. Nous nous concentrons sur l’acoustique du bâtiment. Nous laissons l’acoustique environnementale à d’autres qui gèrent très bien les problèmes posés par les autoroutes, les éoliennes. Ce qui nous motive, c’est de donner un aspect décoratif à des techniques qui ne sont pas toujours très esthétiques

Il s’agit d’un secteur très pointu, complexe…

A.G. : L’acoustique est en effet très technique. On ne s’improvise donc pas acousticien. Nous sommes assez peu nombreux à exercer ce métier en Belgique. A Bruxelles, il ne doit y avoir que deux ou trois bureaux comme le nôtre. Je pense que cela explique en partie notre succès. Et puis il y a la passion. J’ai toujours voulu me diriger vers le son. Tant pendant mes études au Mans que lors de mes deux passages en entreprise, j’ai eu la confirmation que c’était vraiment cela que je voulais faire et que je prenais du plaisir à travailler.

C’est à ce moment que l’idée de lancer votre propre entreprise s’est imposée ?

A.G. : Bien avant. J’ai un peu tâtonné à l’époque de mes études, accumulé différentes expériences professionnelles avant de trouver ma voie et su très tôt qu’un jour je me mettrais à mon compte. Est arrivé un moment où j’ai ressenti une véritable envie d’indépendance, de liberté de faire ce que j’avais envie. Mais on ne se lance pas comme cela, j’avais besoin d’être un peu préparé.

Les débuts ont-ils été faciles ?

A.G. : Lorsque j’ai créé Made in Acoustic, j’avais le bagage nécessaire, même si je ne possédais aucune formation en gestion. Cela a constitué une difficulté, mais cela s’apprend. L’acoustique est un métier bien spécifique, très technique, qui n’est pas à la portée de n’importe quel commercial. Ma maîtrise aussi bien de la théorie que des techniques constitue un atout. Comme j’avais déjà travaillé dans le secteur, je commençais à connaître du monde et j’ai eu la chance de décrocher d’emblée un beau projet qui s’est très bien passé et m’a mis sur les rails. Par ailleurs, il a fallu travailler le site internet et l’image qui sont très importants. Mais pour cela aussi, je suis bien entouré, j’ai pu compter sur l’aide précieuse de bons amis spécialisés dans ces deux domaines. Au début de l’aventure, j’ai péché par manque de rigueur en matière de délais de paiement. Cela m’a coûté plusieurs milliers d’Euros à la suite de la faillite soudaine d’un client. Cela m’a servi de leçon ! J’ai aussi appris à m’organiser. Il m’est en effet arrivé de me sentir un peu acculé parce que j’avais mal orienté mon énergie.

Avez-vous pu bénéficier d’une aide institutionnelle ?

A.G : Avant même de solliciter les banques, j’ai rencontré Patricia Foscolo de hub.brussels qui m’a beaucoup aidé pour le plan financier. Elle m’a aiguillé en me posant les bonnes questions: Que pensez-vous faire ? Pourquoi ? Quelles sont vos perspectives d’évolution ?

Plus tard, j’ai intégré le cluster Ecobuild dont les membres se réunissent autour de thématiques telles que les liens entre les micro-entreprises et les grandes entreprises, la rédaction des cahiers des charges, les marchés publics, etc. J’ai participé à un groupe de réflexion dont les travaux devraient déboucher sur la rédaction d’un petit guide pratique à l’usage des petites et grandes entreprises. On nous propose aussi des soirées, des rencontres, du networking. Les gens sont sympathiques, dynamiques. Tout cela est très intéressant.

Quelle est l’évolution de Made in Acoustic depuis sa création ?

A.G. : Depuis un peu plus de deux ans, j’ai adjoint à l’acoustique une activité de home cinéma clef en main baptisée Benshi. Nous pouvons simplement fournir du matériel, mais aussi nous charger (à partir d’une salle vide) de l’acoustique (ce qui comprend l’isolation et la correction), du câblage, de l’image, du son, de la domotique, du contrôle, du mobilier, etc. Cette activité commence à bien décoller. En 2018, elle a généré 25 et 30% de chiffre d’affaires supplémentaire par rapport à l’activité acoustique. J’ai embauché mon frère qui est passionné de musique et qui maîtrise parfaitement tout ce qui est câblage, installation de home cinéma. Je réfléchis aussi à embaucher un stagiaire que j’ai accueilli il y a quelques mois. Le tax shift apporte une aide appréciable aux PME mais je reste prudent.

J’ai envie de grandir en rationalisant le mode de fonctionnement de la société afin de dégager plus de temps pour ma famille. Jusqu’il y a peu, je n’arrivais pas à déléguer. J’essaie d’évoluer. Je continuerai bien sûr à assumer le commercial et la conception qui sont les facettes les plus intéressantes du métier, ainsi que les tâches administratives mais je suis content de pouvoir compter sur quelqu’un pour l’opérationnel brut et le suivi de chantier.

A la lumière de votre expérience, quels conseils donneriez-vous à un futur entrepreneur ?

A.G. : Cela dépend évidemment des tempéraments, mais je lui dirais : ‘Vas-y. C’est une expérience qui en vaut la peine. Mais surtout prépare-toi bien et fais en sorte que ton idée soit bien verrouillée quel que soit le domaine d’activité. Vérifie que cela peut plaire, fonctionner. C’est la base. Sois rigoureux, organisé. Fonce et ne compte pas tes heures, surtout au début. Il m’arrive encore de boucler des semaines à soixante heures !’ Tout cela peut paraître un peu banal et j’ajouterai qu’il ne faut pas non plus se fermer à la concurrence. Le partage, le développement de partenariats est toujours intéressant.

Auteur/Organisation : Catherine Aerts