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Rendre le bâti performant énergétiquement et environnementalement ne peut s’improviser

Les sécheresses, les incendies de forêts, les fortes intempéries et les inondations au cours de cette année n’ont fait que renforcer la prise de conscience du changement climatique et de l’urgence à ‘faire quelque chose’. D’autant plus que certains y voient les premiers signes alarmants d’un emballement du changement climatique. Les objectifs du Green Deal européen gardent ainsi tout leur sens. Mais le Green Deal va plus loin que limiter drastiquement les émissions de gaz à effet de serre (GES) et vise plus largement à réduire notre empreinte sur l’environnement dans sa globalité. Et comme le parc immobilier a un impact non négligeable sur l’environnement et représente une part importante de la consommation énergétique et des émissions de GES, il importe de le rénover au plus vite pour le rendre performant tant énergétiquement qu’environnementalement, tout en maintenant le résidentiel accessible et abordable.

Pour réaliser les objectifs climatiques que l’Europe s’est imposée, il est communément admis qu’en moyenne 3% du parc immobilier devrait être rénové annuellement en profondeur. Mais d’année en année, ce taux est loin d’être atteint. Or, chaque année où ce taux n’est pas atteint, intensifie les efforts qui seront à fournir dans les années qui viennent.

Rendre le parc immobilier performant énergétiquement consiste à réduire effectivement les pertes de chaleur et la demande en énergie qui en découle. Compenser une isolation insuffisante par des ‘trucs et astuces’ comme produire de l’énergie renouvelable pour obtenir une bonne catégorie PEB tout en évitant la rénovation et l’isolation de l’enveloppe du bâtiment, ne limite en rien la quantité de chaleur qui continue de s’échapper. La demande de chaleur et la consommation d’énergie restent alors inutilement élevées, l’installation de chauffage requise étant plus importante, et plus chère aussi à l’installation et à l’utilisation.

Et pour ce qui concerne la performance environnementale, bon nombre simplifient l’approche en partant de l’idée qu’il suffit d’utiliser des matériaux biosourcés. Il est vrai que des matériaux biosourcés de base présentent a priori une faible empreinte environnementale. Mais le cas échéant, c’est en oubliant l’impact de la culture, de la récolte, du transport, d’éventuels liants, conservateurs, …. Pour faire simple, la performance environnementale consiste à limiter l’empreinte sur l’environnement (émissions, rejets, impact sur la biodiversité, …) et la consommation en ressources (matières premières, énergie, eau, …) d’un bâtiment sur tout son cycle de vie. En d’autres mots, la notion de construction durable ou de performance environnementale s’évalue à l’échelle du bâtiment et va plus loin que la simple utilisation de matériaux dits ‘durables’. Dans la vie de tous les jours aussi, ce qui compte c’est la performance des produits finis, souvent communiquée par un label, comme c’est le cas pour par exemple pour les électro-ménagers. S’attarder à la performance individuelle de chacun des composants ne garantit pas que leur combinaison soit la plus performante et assure un fonctionnement optimal de l’électro-ménager en question.

Comme pour la performance énergétique des bâtiments reprise sur le certificat PEB, les Régions mettent aussi à disposition en ligne un ‘calculateur’ pour évaluer la durabilité ou performance environnementale des bâtiments. Cet outil, appelé TOTEM (Tool to Optimise the Total Environmental impact of Materials), a été développé par les 3 Régions sur base de normes européennes étayées scientifiquement. Il permet d’évaluer la performance environnementale des bâtiments à l’aide de plus d’une dizaine d’indicateurs d’impact environnemental (réchauffement, couche d’ozone, rejets, utilisation des ressources, biodiversité, …), regroupés dans les EPD (Environmental Product Declaration) ou déclarations environnementales de produit.

Et tout comme la réglementation PEB met les producteurs en concurrence et les incite à développer des matériaux et systèmes constructifs sans cesse plus performants énergétiquement, l’entrée en vigueur de TOTEM en fera de même en matière de performance environnementale.

TOTEM n’est encore que peu utilisé spontanément. À vrai dire, ce n’est pas vraiment étonnant car le concepteur qui souhaite optimiser la performance environnementale en tenant compte des autres contraintes du projet, doit ‘jongler’ avec différentes applications informatiques individualisées. Ce qui est peu convivial, et n’est plus de ce temps non plus. L’intégration des applications s’impose ou à tout le moins une interface qui permet le calcul simultané ainsi que l’optimisation de la performance PEB et TOTEM, tout en prenant en compte les autres contraintes du projet aussi.

Bon nombre voient dans le train de rénovations annoncé une opportunité pour développer une filière avec son lot d’activités et d’emploi locaux comprenant notamment aussi une diversification bénéfique pour redévelopper l’agriculture et l’exploitation forestière locales. Mais peut-on pour autant se permettre de faire fi des autres matériaux dits ‘classiques’ ?
La vague de rénovations nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques ne peut être freinée par un manque de matériaux disponibles. La question fondamentale qui se pose alors est de savoir si une filière pourra rencontrer à elle seule l’importante demande en matériaux ? Avec quelles garanties de sécurité d’approvisionnement ? Et le cas échéant, avec quel impact sur l’approvisionnement des produits alimentaires de base et sur leurs prix ? Il ne faudrait pas reproduire l’épisode des biocarburants où la question ‘nourriture ou combustible’ s’est posée après le lancement de la filière. En d’autres mots, il ne faudrait pas ici non plus se lancer tête baissée et improviser. Un minimum d’étude préalable et de modélisation s’imposent.

Le train de rénovations libèrera aussi de grandes quantités de déchets constitués pour l’essentiel de matériaux ‘classiques’ dont il ne faudrait pas se débarrasser sans plus. Certains matériaux pourront être relativement facilement réutilisés ou valorisés, le cas échéant moyennant un reconditionnement. D’autres pourront être recyclés. Les possibilités de recyclage ne cessent d’augmenter grâce à d’incessantes avancées et prouesses technologiques. Ce qui pourrait être un argument de plus en faveur du maintien aussi d’une production locale de matériaux ‘classiques’. À moins de surmonter les obstacles légaux, administratifs et logistiques pour exporter ces déchets vers des sites à l’étranger où ils pourront être recyclés.

On le voit, le train de rénovations pour rendre le bâti performant énergétiquement et environnementalement ne permet pas l’improvisation. Les importantes quantités de matériaux nécessaires mais aussi de déchets de construction produits offrent des opportunités de diversification, d’emploi et d’activité économique. Il faut les mettre à profit au maximum pour atteindre tant les objectifs climatiques visés et préserver l’environnement que pour assurer aussi un bien-être. La sagesse populaire qui veut qu’on ne mette pas tous ses œufs dans un même panier paraît cette fois encore prendre tout son sens. Se priver de certains matériaux pourrait être pénalisant. Dans ce contexte, les outils d’évaluation objectifs que sont le calculateur PEB et TOTEM doivent servir de guide pour atteindre les performances visées. Gageons que l’optimisation des performances et autres contraintes deviendra plus conviviale sans tarder.  

Auteur: Philippe CALLEWAERT – PMC

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