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Matériaux biosourcés et durables : passer de la niche à la norme

Des start-ups bruxelloises réinventent les matériaux de construction

La Région de Bruxelles-Capitale regorge de PME actives dans la production de matériaux biosourcés. Pour nous parler de ce dynamisme et évoquer l’avenir de ce secteur prometteur, nous avons rencontré Camille Mommer (Natura Mater), Nicolas Coeckelberghs (BC Materials) et Stephan Kampelmann (Sonian Wood Coop).

Pour quelles raisons avez-vous lancé votre entreprise ?

Nicolas Coeckelberghs : à Bruxelles, des milliers de tonnes de terre sont excavées chaque année. Un grand pourcentage de ces terres étaient déversées ou enfouies en tant que déchets, alors qu’il s’agit pourtant d’une matière parfaitement réutilisable et à 75% non contaminée. Partant de cela, le bureau BC architects & studies a lancé BC Materials en octobre 2018. Depuis, nous fabriquons avec ces terres excavées des produits en terre crue – pisé et briques – et de l’enduit, sur notre propre site de production mais aussi directement sur chantiers.

Stephan Kampelmann : En 2019, nous avons pris conscience que des quantités importantes de bois étaient produites par la Forêt de Soignes, mais que la quasi-totalité de ce bois était exportée vers la Chine. Et que pendant ce temps, Bruxelles importait du bois d’Asie, de Russie ou du Canada ! Nous avons donc créé notre coopérative pour valoriser localement ces bois de notre écosystème. Un réseau d’indépendants – bûcherons, scieurs, menuisiers – travaillent régulièrement avec nous pour réaliser des projets d’aménagement. Ce hêtre de la forêt de Soignes, planté il y a 200 ans, se prête bien à des applications tels que des escaliers, des parquets, des bardages, des tables ou des plans de travail …

Camille Mommer : Le projet Natura Mater a débuté en 2019. Lorsque Jérémy Boomer, architecte et entrepreneur général, a voulu rénover sa maison de la manière la plus durable possible, il s’est rendu compte que, même avec son expérience et un réseau élaboré, il avait du mal à faire un choix de matériaux à mettre en œuvre. Cela devait donc être encore plus complexe pour de ‘simples’ citoyens. Après avoir été coachés pendant un an par le Greenlab, nous avons créé notre entreprise en mai 2020. Notre mission est de faire passer les matériaux durables de la niche à la norme grâce à l’accompagnement des différents professionnels.

Parlez-nous de projets que vous avez initiés ou dans lesquels vous jouez un rôle…

S. K. : Parmi les projets récents, celui de l’aménagement du café Popotes, à Flagey, pour lequel nous avons réalisé les banquettes, les plans de travail, les étagères … Il est valorisant pour les Bruxellois de s’asseoir sur du hêtre provenant de la forêt de Soignes !

N. C. : Je mettrais ici l’accent sur nos missions de recherche et développement, notamment pour des maîtres d’ouvrage publics tels que les communes et la Régie des Bâtiments. Elles concernent l’analyse de (futures) terres d’excavation, pour trouver la bonne formule afin d’en faire des briques et des enduits.

C. M. : Notre quotidien, c’est de nous tenir au courant des matériaux existants et en cours de développement, pour pouvoir offrir une vue d’ensemble aux architectes et aux entrepreneurs généraux sur ce qui existe et est pertinent pour leur projet. Nous faisons ainsi le lien entre eux et les fabricants, nous testons les produits sur des chantiers partenaires afin d’avoir un vrai feedback. Nous travaillons aussi à gommer les a priori concernant certains matériaux durables. Et nous identifions également des trous sur le marché.

Outre les bienfaits pour l’environnement, quels avantages des matériaux biosourcés mettriez-vous en avant ?

C. M. : Dans de nombreux projets, qu’il s’agisse de construction ou de rénovation, la gestion de l’hygrométrie est importante. Les matériaux tels que l’argile ou la chaux et les isolants à base de paille, de chanvre ou d’herbe, permettent aux bâtiments de respirer mieux que des isolants traditionnels. La mise en œuvre de certains matériaux permet un gain de temps et donc d’argent. Enfin, des matériaux comme la terre crue sèchent beaucoup plus vite que les matériaux traditionnels, et ne doivent pas nécessairement être peints ou traités.

N. C. : En ce qui nous concerne, je citerais le coût quasi inexistant du transport et le peu d’énergie grise utilisée. Nos produits sont également entièrement réversibles et ne génèrent aucun déchet. En fin de vie, ils peuvent être rendus à la terre ou nous être renvoyés. Et il y a bien entendu les propriétés hygrométriques de ces matériaux qui permettent d’absorber l’humidité en trop dans une pièce et de la restituer lorsqu’il n’y en a pas assez.

Comment voyez-vous l’avenir du secteur des matériaux et de votre entreprise ?

N. C. : Nous remarquons de nombreux changements positifs au niveau politique et c’est une excellente chose. Cela donne l’exemple et stimule à construire autrement et de manière plus saine. Nous sommes contents qu’il y ait de plus en plus d’intérêt de la part des architectes, qui viennent nous rencontrer pour comprendre comment utiliser nos matériaux. La demande est croissante et nous touchons désormais des personnes qui ne connaissaient pas du tout la terre crue et qui veulent connaître ses performances, comprendre comment bien utiliser nos produits et les faire cohabiter avec d’autres matériaux.

C. M. : Nous sommes très positifs et enthousiastes car nous avons l’impression que quelque chose a changé depuis juin 2021, tant à Bruxelles qu’en Belgique. Les architectes et les maîtres d’ouvrage se posent de plus en plus systématiquement les bonnes questions. Je suis persuadée que nous sommes dans un momentum, où les choses vont passer à un niveau supérieur, que ce soit dans la réflexion sur la circularité ou du choix des matériaux, qu’ils soient biosourcés, géosourcés ou issus des filières de recyclage. De plus, il y a vraiment un boom actuellement dans les produits développés.

S. K. : Nous sommes dans une phase de croissance, nous agrandissons au fur et à mesure notre capacité de production, notre réseau de clients, nos produits. La hausse des prix du marché est pour nous un avantage car nous sommes devenus plus accessibles pour de nouveaux clients.

Croisons les doigts pour que le mouvement enclenché, tant chez les producteurs que chez les architectes, les maîtres d’ouvrage et les entrepreneurs généraux, couplé à une volonté politique puissent enfin faire passer ces matériaux de la niche à la norme.

Les fondateurs de Sonian Wood Coop, Stephan Kampelmann (à gauche) et Benjamin Moncarey (à droite) ©The Mirror Films

Le hêtre planté il y a 200 ans en Forêt de Soignes se prête aujourd’hui à de nombreuses applications ©The Mirror Films

Les 5 fondateurs de Natura Mater - au centre : Camille Mommer ©Natura Mater

Les 5 fondateurs de Natura Mater – au centre : Camille Mommer ©Natura Mater

Natura Mater explique aux entrepreneurs tout ce qui existe en matière de matériaux durables et ce qui est pertinent pour leur projet ©Natura Mater

Nicolas Coeckelberghs ©BC Materials

BC Materials réalise de plus en plus de missions de consultance. Ici, le projet Usquare à Bruxelles ©Sander Lambrix

À Bruxelles, des milliers de tonnes de terre sont excavées chaque année ©DeMeuter

Avec les terres excavées, BC Materials fabrique des briques en terre crue appelées Brickette ©Thomas Noceto