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L’épineuse question de l’incertitude dans les mesures d’étanchéité à l’air : que mesure-t-on réellement ?

Donner un sens au résultat d’étanchéité à l’air

Lorsqu’on mesure une grandeur quelle qu’elle soit, on ne mesure en réalité qu’une valeur approchée de sa vraie valeur. En effet, toute mesure est forcément accompagnée d’une erreur provenant de multiples sources : imprécision des appareils de mesure, erreur humaine lors de la prise de mesure, conditions externes impactant la mesure, etc. Pour que son résultat ait un sens, toute mesure devrait toujours être accompagnée d’un indicateur relatif à la différence possible entre la valeur obtenue pour la variable mesurée et sa « vraie valeur ». Cet indicateur est d’autant plus important pour les mesures effectuées in-situ où les conditions de mesures sont plus difficiles à contrôler qu’en laboratoire et entraînent des erreurs plus importantes. Cet indicateur est appelé l’incertitude, son interprétation n’est pas toujours évidente et fait appel aux statistiques.

En matière d’incertitude, l’étanchéité à l’air est mauvais élève puisque les tests de pressurisation sont rarement accompagnés de leur incertitude et que, quand elle est indiquée, elle est basée la plupart du temps sur un calcul erroné. En effet, la plupart des logiciels utilisent une méthode de calcul ordinaire (Ordinary Least Square) pour obtenir les grandeurs nécessaires au calcul du taux de renouvèlement d’air (n50) et de la perméabilité à l’air (v50). Cette méthode de calcul suppose que, lors du test de pressurisation, aucune erreur n’est enregistrée sur la mesure de la pression. Cette hypothèse est actuellement fortement remise en question dans différents travaux de recherche, et cette remise en question est supportée par les difficultés qu’ont les testeurs à obtenir des mesures de pression précises lorsque les conditions climatiques sont défavorables (c.-à-d. lorsque la vitesse du vent est importante). Des méthodes de calcul alternatives sont actuellement investiguées dans le cadre de la recherche, sans être encore implémentées en pratique[1].

Une bonne méthode pour estimer l’incertitude dans le cadre de l’étanchéité à l’air est de se baser sur les tests de répétabilité existant. Les tests de répétabilité sont une série de tests effectués dans des conditions similaires (même opérateur, même matériel, même volume). Plusieurs études de répétabilités ont été menées en matière d’étanchéité à l’air ces dernières années1,[2]. Les résultats de ces tests montrent une incertitude pour un test de pressurisation variant de 0.6 à 2.3% du débit mesuré, en fonction des conditions de test et du volume testé. Si on ajoute à cette valeur une incertitude de 5% sur la mesure du volume du bâtiment, l’incertitude sur le n50 peut aller jusqu’à 5.5%. En d’autres termes, si un test de pressurisation mesure une valeur de n50 de 0.62 pour un volume donné, la vraie valeur de n50 pour ce volume pourrait tout aussi bien être 0.68 que 0.56. Ces résultats amènent donc à réussir le test ou à le rater en fonction des cas.

Evidemment ces calculs sont basés sur des approximations et des hypothèses qui sont dépendantes de la situation propre à chaque mesure. Si par exemple, le calcul du volume est effectué avec une exactitude de  et que le vent a une vitesse très faible ce jour-là, on peut supposer que l’erreur sera plus faible. En matière d’incertitudes, l’étanchéité à l’air possède encore de nombreuses zones d’ombres et si ces approximations permettent d’avoir une valeur plus pertinente que celle proposée par la plupart des logiciels, la marge de progression est encore grande pour se rapprocher des valeurs réelles.

La dualité « micro – macro » de l’étanchéité à l’air

Aujourd’hui à Bruxelles, de nombreux cahiers des charges imposent une valeur d’étanchéité à l’air sous forme de n50 (taux de renouvèlement d’air) ou de v50 (perméabilité à l’air) pour les constructions neuves et rénovations lourdes. Il est parfois difficile de donner un sens à de telles valeurs puisqu’elles représentent une contrainte sur l’entièreté du volume (échelle macro) alors que l’infiltration est le déplacement local de l’air à travers les composants et les raccords formant la limite de ce volume (échelle micro).

Cette dualité soulève de nombreuses questions et problématiques. Par exemple, la connaissance de la performance globale du bâtiment (macro) ne permet pas d’anticiper les conséquences de l’infiltration d’air puisque celles-ci dépendent du type de fuite (micro). En effet, une fuite d’air vers un volume adjacent chauffé n’aura pas le même impact sur la consommation énergétique qu’une fuite directe vers l’extérieur puisque le différentiel de température est différent. Malgré cela, dans l’approche actuelle suivie par le secteur de la construction vis-à-vis de l’étanchéité à l’air, aucune distinction n’est faite entre ces deux fuites au niveau des performances mesurées. De manière similaire, la connaissance de la valeur individuelle de chacune des fuites (micro) aux limites du volume mesuré, en supposant que cela soit possible, ne permet a priori pas de prédire la performance globale (macro) puisque nous ne disposons, aujourd’hui, que de peu d’informations par rapport à l’interaction des fuites entre elles.

C’est autour de cette dualité que s’axent les projets AirPath50 (échelle locale – micro) et Camb(b)ridge (échelle globale – macro)[3]. Le premier s’intéresse à la quantification précise des performances d’étanchéité à l’air des composants et des raccords du bâtiment, sans regard sur l’étanchéité du bâtiment dans son entièreté. Au contraire, le second vise à accumuler un grand nombre de tests de pressurisation pour lier, sur base d’une analyse statistique, les résultats d’étanchéité à l’air au design du volume testé. Un des intérêts majeurs de ces deux projets réside dans leur complémentarité : la combinaison des résultats du projet Airpath50 (c.-à-d. les valeurs de débit à travers les composants du bâtiment) et Camb(b)ridge (c.-à-d. la performance globale du bâtiment en fonction de son design) devrait permettre d’apporter une pierre à l’ambitieux édifice qu’est la compréhension de cette relation de dualité que connaît l’étanchéité à l’air.

[1] Martin Prignon, Arnaud Dawans, Geoffrey van Moeseke (2018). Uncertainties in airtightness measurements: regression methods and pressure sequences. 39th AIVC conference – 7th TightVent & 5th Venticool Conference “Smart ventilation in buildings”. France.

[2] Jiri Novak (2015). Repeatability and reproducibility of blower door tests – four years’ experience of round-robin tests in Czech Republic. 9th International Buildair Symposium. Germany.

[3] Les projets Airpath50 et Cam(b)bridge sont réalisés avec le soutien d’Innoviris, Institut Bruxellois pour la Recherche et l’Innovation.

Auteurs : Arnaud Dawans, membre du Board d’ecobuild.brussels et Head of Innovation chez les Entreprises Jacques Delens, et Martin Prignon (UCLouvain)

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