Penser les bâtiments aujourd’hui, c’est garantir leur résilience pour demain ! La conception adaptable et réversible des bâtiments révèle la capacité d’un édifice à répondre dans le temps aux changements d’usage, aux besoins sociaux et aux enjeux environnementaux. Dans une perspective de durabilité, de résilience et d’économie circulaire, cette approche tend à prolonger la durée de vie des constructions, à limiter la consommation de ressources et à réduire les émissions de gaz à effet de serre causées par la démolition et la reconstruction.
La reconversion d’anciens immeubles de bureaux en logements est particulièrement pertinente à Bruxelles où coexistent vacance tertiaire et tension sur le marché du logement. Elle rencontre cependant des obstacles techniques et réglementaires qui alourdissent les coûts et complexifient les interventions. Ces facteurs pourraient être contrôlés par une rénovation des bâtiments orientée vers une adaptabilité et une réversibilité technique et spatiale.
Les principes de réversibilité technique reposent sur la démontabilité et le réemploi : méthodes d’assemblage et de démontage, documentation sur les matériaux et techniques d’assemblage utilisés, et désolidarisation des différentes couches du bâtiment. La notion de couches souligne que structure, enveloppe, systèmes techniques et finitions n’ont pas la même durée de vie utile, période durant laquelle le composant conserve ses caractéristiques initiales. La conception doit donc tenir compte de ces temporalités en limitant les liaisons permanentes entre éléments de durées de vie hétérogènes, rendre accessibles les éléments plus rapidement obsolètes et privilégier les connexions mécaniques aux assemblages collés. Regrouper les éléments selon leur durée de vie et faciliter leur démontage augmente les chances de réemploi. A contrario, les liaisons chimiques et la prolifération de matériaux différents rendront la déconstruction techniquement ou économiquement difficile.
La réversibilité spatiale complète les dispositifs techniques en privilégiant des volumes aptes à accueillir des programmes variés. Pour ce faire, il est recommandé d’employer des éléments modulaires et standardisés, de positionner stratégiquement les noyaux de circulation et les espaces techniques, et d’adopter des dimensions (hauteurs libres, portées, profondeurs) compatibles avec divers usages. Un surdimensionnement raisonné des structures porteuses peut offrir des marges de manœuvre pour des extensions ou changements ultérieurs, sous réserve de l’évaluation de son empreinte environnementale et sa viabilité économique.
Plusieurs outils et guides pratiques (checklists, méthodologies de projets) existent pour accompagner la mise en œuvre de ces principes dont, entre autres, la partie CIRC 2 et 3 de l’outil GRO, l’outil TOTEM et le guide « Comment rendre mon bâtiment orienté vers l’avenir ? » auxquels le CERAA a contribué.
Parallèlement, des initiatives industrielles et sociales fournissent des exemples opérationnels : mobiliers en modules de bois démontables ; leasing d’espaces de travail ; dispositifs d’urbanisme transitoires permettant l’occupation temporaire de bâtiments vides, à finalité sociale… Ces approches combinent modularité, recours à des matériaux locaux ou de réemploi et modèles économiques favorisant maintenance, réutilisation et traçabilité des composants.
En corrélation avec les objectifs légaux de réduction de l’impact environnemental et la préservation des ressources, l’adaptabilité des bâtiments offre un levier pour rendre le secteur de la construction plus circulaire. Sa réussite nécessite l’intégration de la réversibilité dès la conception, l’adoption de principes constructifs favorisant la démontabilité, le développement d’outils opérationnels et des politiques publiques incitatives garantissant l’inclusion sociale des reconversions.
Le CERAA propose un accompagnement technique et stratégique pour soutenir ces démarches dans vos projets et annoncera prochainement : un CERAAMidi sur les bâtiments circulaires et une CERAActivité (conférence-débat) consacrée à la reconversion des immeubles de bureaux.
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Dorothée Stiernon – Architecte chercheuse au CERAA
