Recevez toutes les actualités en matière de construction durable à Bruxelles en vous inscrivant à notre Newsletter - En savoir plus

Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Interview : Sonian Wood Coop, du bois local et responsable

Saviez-vous que le bois qui pousse en forêt de Soignes, lorsqu’il est abattu, est souvent exporté vers l’Asie ? Saviez-vous que le secteur de la construction en région bruxelloise à lui seul importe 60 000 tonnes de bois par an ? C’est face à cette absurdité que Stephan Kampelmann, économiste et spécialiste en économie circulaire à l’Université Libre de Bruxelles, s’est lancé dans la coopérative Sonian Wood Coop. La coopérative, qui a inauguré en octobre sa pop-up store, a une mission phare : Keep it local.

Sonian Wood Coop, du bois local et responsable

Qu’est-ce que la Sonian Wood Coop ? Pourquoi avoir opté pour une coopérative ?

La Sonian Wood Coop est une plateforme qui permet la rencontre entre les acteurs de l’écosystème de valorisation du bois local. En effet, actuellement, il n’y a pas de filière locale du bois en région de Bruxelles-Capitale alors qu’il y a beaucoup d’acteurs dans la région qui utilisent cette ressource. Il y a des menuisiers, des charpentiers, des fabricants de meubles, des maître d’ouvrage etc., mais ceux-ci s’approvisionnent de manière isolée. D’autre part, il y a l’offre. Il y a plus de 10 000 hectares de forêts sous gestion publique dans un rayon de 35 kilomètres de la Grand-Place. Chaque année, les gestionnaires font une sélection d’arbres qui sont abattus et remplacés par de nouvelles espèces afin de favoriser la biodiversité, d’adapter la forêt au changement climatique et de produire du bois. Notre ambition est de connecter l’offre et la demande.

Notre mission « Keep it local » est aussi une manière de responsabiliser la ville. Notre proposition d’utiliser localement le bois de notre territoire au lieu d’exploiter des ressources de pays lointains vise à conscientiser la ville par rapport à son usage du bois. Nous avons la conviction qu’il faut savoir d’où provient le bois que nous utilisons pour que celui-ci puisse être géré de manière responsable et durable. Il faut faire le lien entre l’ambition de préserver notre écosystème périurbain et répondre à la demande croissante de ressources. Notre initiative permet d’avoir une vision plus mature et plus responsable par rapport à la ville et l’écosystème qui l’entoure.

Le choix de la coopérative nous semblait évident. En effet, le développement de notre activité est par définition limitée par la régénération de la forêt, par la croissance des arbres. Nous sommes conscients des limites de notre activité et le modèle de coopérative nous permet de nous concentrer sur notre mission, la valorisation du bois local. De plus, la forêt de Soignes étant gérée publiquement, la forme de coopérative permet de refléter le statut de bien commun de la forêt.

En quoi Sonian Wood Coop s’inscrit-il dans une démarche d’économie circulaire ?

Un des volets de notre démarche est de travailler en circuit court, « Keep it local ». Au-delà de cela, nous travaillons avec une matière qui existe sous formes très variées. Il y a beaucoup d’usages pour lesquels certaines parties des arbres sont considérées comme des déchets, tels que des arbres tordus, avec trop de nœuds ou encore trop grands pour les scieries industrielles. Notre démarche locale permet de rendre cette ressource accessible à des menuisiers qui veulent travailler ce bois unique qui finit habituellement comme bois de chauffage.

Toute la filière du bois, de la coupe jusqu’à la planche, produit de la matière secondaire, notamment de la sciure de bois. Celle-ci peut être utilisée comme substrat pour faire pousser des cultures, on peut l’utiliser comme source d’énergie etc.

Ce genre de démarches permet d’être en accord avec les principes de l’économie circulaire et d’atteindre une vraie valorisation du bois local.

La Sonian Wood Coop a lancé une levée de fonds participative qui a récolté 180% du budget fixé. Selon vous, que justifie cet engouement ?

La forêt de Soignes suscite des réactions très émotionnelles en région bruxelloise. Les Bruxellois ont une relation particulière avec cette forêt magnifique et unique. Voir ce bois partir provoque une réaction forte auprès de la population.

Le projet de lancer Sonian Wood Coop a connu un écho très positif. Nous avons rencontré un engouement à chaque étape, au niveau politique, des administrations, des gardes forestiers, du secteur de la menuiserie et au niveau de la population. Tout le monde adhérait à l’idée de valoriser localement la forêt, mais certains avaient des doutes quant à la faisabilité économique de l’activité. Notre levée de fonds participative a permis de faire une « proof of concept ». Nous avons réalisé un cycle d’opération à petite échelle pour montrer que c’est possible de rassembler le secteur du bois localement. Nous voulons maintenant nous agrandir et faire les investissements nécessaires pour pouvoir apporter une solution structurelle à la valorisation du bois local.

Le projet a été lancé en 2019, 2020 a vu l’apparition de la crise du COVID. Comment votre jeune coopérative fait-elle face aux défis de la pandémie ? Est-ce que l’économie circulaire vous offre de la résilience dans ce contexte ?

La crise sanitaire a causé la fermeture du port de Shanghai pendant un certain temps, bloquant l’accès au marché asiatique, ce qui a ébranlé l’exportation du bois.

Notre activité, elle, repose uniquement sur des acteurs locaux. Nous proposons un modèle d’affaire basé sur des circuits courts et sur les ressources d’un territoire que nous pouvons maîtriser sans faire appel à des chaînes logistiques globales. Ce genre de modèle résiste plutôt bien aux grand chocs globaux et il y a un intérêt croissant, entre autres depuis la crise sanitaire, pour des modèles alternatifs et plus résilients.

De plus, lors du confinement au printemps, nous avons pu continuer notre activité car nous étions beaucoup en forêt pour faire des coupes de débardage, de sciage etc. Ce n’est que depuis octobre que nous sommes activement en contact avec nos clients, pour la vente de bois séché cet hiver.

Depuis octobre, vous avez ouvert votre pop-up store au Circularium. Pourquoi avoir tenu à vous associer ?

Nous avions envie d’avoir lieu facilement accessible à Bruxelles et d’aller à la rencontre des usagers locaux. Le Circularium est un endroit idéal de par la visibilité qu’il apporte et parce qu’il y a des possibilités de collaborations intéressantes avec les autres usagers du site.

Notre pop-up store nous permet d’être en contact avec cette diversité de gens qui travaillent le bois et qui apprécient notre travail. Nous mettons en vente le bois sec que nous avons acheté cet hiver grâce à notre levée de fonds collaborative. La demande est forte, les utilisateurs sont heureux d’acquérir du bois de la région. Selon nos projections, d’ici fin 2020, nous n’aurons plus de bois sec à proposer à la vente.

Nous sommes déjà en train d’acheter des nouveaux lots de bois à scier et à faire sécher cet hiver. Le bois venant de la partie bruxelloise de la forêt de Soignes est vendu aux enchères par Bruxelles Environnement. Nous avons acheté le premier lot il y a quelques semaines. C’est sans doute la première fois depuis très longtemps qu’un acteur bruxellois achète un lot aux enchères pour le valoriser localement sous forme de bois de sciage.

Découvrez le site de Sonian Wood Coop. Retrouvez le Circularium et ses occupants.

Source: be circular be.brussels