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Entretien avec Dirk Van de Poel de chez BOPRO sur le système de soins de santé du futur.

Les cabinets médicaux de 2050 laisseront-ils la place à des laboratoires où l’on manipule notre ADN pour éviter les maladies ? Permettrons-nous encore la construction de chaînes de restauration rapide à proximité des écoles dans la société de demain ?

Avec ses co-auteurs Herman Toch et Ann Maes, Dirk Van de Poel, de chez BOPRO, explore ces questions et bien d’autres dans son nouveau livre « Zo kan zorg anders ».

À travers cinq « cadres de pensée » ou pistes de réflexion, les auteurs offrent aux décideurs du secteur de la santé une vision globale de l’avenir. Chez Bopro, Dirk est gestionnaire de transition avec une vaste expérience des projets immobiliers axés sur l’avenir dans le secteur des soins de santé. Nous l’avons donc interviewé aujourd’hui à propos de son livre.

Dirk, vous remettez sérieusement en question le système de soins de santé. Un tel livre était-il nécessaire pour ouvrir les yeux de certaines personnes qui y sont impliquées de près ou de loin ?

Dirk : Nous constatons en tout cas que le système de soins actuel est sous haute pression. Cela est dû à des raisons démographiques, à la pandémie récente, à des pénuries de personnel de plus en plus importantes, etc.

Régulièrement, la question se pose de savoir si les principes de base de nos soins de santé sont encore adaptés à la société d’aujourd’hui. Le système actuel est celui du Cure & Care. Autrement dit, nous traitons les maladies lorsqu’elles se présentent. Nous pouvons difficilement nier que cette façon de penser nous a menés très loin sur le plan médical. Nous constatons néanmoins que cette méthode atteint ses limites.

Pour éviter que notre système de soins n’explose, il est, selon nous, important de travailler sur un changement de paradigme. Comme cela se fait dans les domaines du climat et de la mobilité par exemple. En effet, il n’est plus possible à nos yeux de s’occuper sérieusement des soins sans les considérer dans le contexte plus global de la santé et de la technologie.

Il faut aussi tenir compte de nombreux facteurs supplémentaires tels que: l’alimentation, la sécurité routière, le tabagisme, la qualité de l’air , la durabilité, mais aussi l’IA, l’introduction de robots, les wearables et divers produits intelligents…

Pouvez-vous expliquer en quelques mots ce que représentent ces cinq pistes de réflexion ?

Dirk : Pour commencer, ces différentes pistes de réflexion ou paradigmes partagent plusieurs éléments communs, à savoir qu’elles doivent toutes tenir compte de la durabilité et qu’elles sont toutes mises au défi par l’innovation technologique. Nous appelons ces deux éléments les normes évolutives. Elles sont  déterminantes dans toute transition, qu’il s’agisse de la mobilité, du secteur agricole ou du secteur des soins de santé.

La première pistes de réflexion que nous avons distinguée est celle du Collectif de Santé. Il y a encore de la place pour le principe de Cure & Care, mais il passe au second plan dans les réflexions sur la santé. Dans le futur, nous devons tout organiser pour promouvoir la santé collective. Un exemple pratique est de savoir si nous devons encore, en tant que société, permettre qu’un McDonald’s soit installé à 100 mètres d’une école ? Les partisans du collectif de santé essaieront de lutter contre cela via une réglementation adaptée. De nouveaux acteurs, de nouveaux partenariats et donc de nouveaux écosystèmes apparaissent donc.

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Cet effort de santé a également une dimension éthique, si je ne me trompe pas?

Dirk : En effet, nous voyons aujourd’hui que les gens vivent de plus en plus longtemps, mais que la part des années de soins augmente également. Dans cette pistes de réflexion, nous soutenons qu’il n’est pas du ressort des soins de santé de prolonger inutilement ces ‘années de soins’, surtout pour ceux qui ne le souhaitent pas. La possibilité de rester en vie plus longtemps est donc centrale. Il s’agit du débat sur la fin de vie et l’euthanasie.

La deuxième pistes de réflexion va encore un peu plus loin en matière de technologie.

Dirk : Oui, cette tendance va en effet un pas plus loin. Elle suppose que grâce aux innovations technologiques, nous ne tomberons jamais plus malades. Des exemples vont du suivi permanent de la tension artérielle via une application à la manipulation de l’ADN pour éliminer certaines maladies.

Les données sont le substrat pour être en meilleure santé et ne plus jamais tomber malade. Plus nous partageons nos données, plus la science peut agir de manière préventive. En se concentrant sur cette prévention, les adeptes de cette pistes de réflexion prédisent que les laboratoires prendront à l’avenir une part plus importante dans notre vie que les cabinets médicaux traditionnels.

Un autre exemple, dont nous avons l’expérience chez Bopro, est le Digital Twin. Dans l’immobilier, nous créons une copie numérique d’un bâtiment pour prévoir et éviter les problèmes lors de la phase de construction. Nous pouvons maintenant appliquer cela aux personnes sous forme d’une sorte d’avatar virtuel. Nous reconstruisons numériquement toutes les caractéristiques connues d’une personne, jusqu’à son ADN. Ainsi, les effets de certaines interventions, voire des ajustements alimentaires, peuvent être testés virtuellement. Ce sont des évolutions qui se déroulent déjà et qui sont entièrement motivées par l’innovation.

Ici aussi nous voyons des questions éthiques émerger, notamment sur la propriété de toutes ces données. Nous pouvons bien sûr nous demander : ‘Le voulons-nous ?’. D’un autre côté, nous devons également réaliser que l’innovation technologique, dans la plupart des cas, n’attend pas notre réponse.

Une tendance encore plus extrême en matière d’implémentation technologique est celle du transhumanisme. Oubliez la maladie et la santé, il s’agit de la survie de l’espèce humaine. Il s’agit d’adapter davantage l’espèce humaine à son environnement grâce à des technologies implantées. Nous connaissons déjà un certain nombre d’applications technologiques « bienveillantes » pour le corps, telles que les pacemakers et les prothèses.

Mais les transhumanistes vont plus loin et souhaitent faire progresser l’humanité au-delà de la perception actuelle de la ‘santé’.ëtre plus fort, plus intelligent, vivre plus longtemps, etc. Le rêve ultime dans cette tendance est la création d’une sorte de « Homo Deus »: un être humain éternel avec des pouvoirs presque divins.

Les dernières pistes de réflexion concernent plutôt l’organisation de la transition ?

Dirk : C’est exact, c’est une question cruciale qui a de nombreuses implications. Aujourd’hui, de nombreux ajustements du système de soins dominant sont recherchés sur l’axe entre le marché et le gouvernement. Selon la force du système, le curseur se déplace vers plus de marché ou plus de gouvernement. Mais nous voyons également apparaître deux autres dynamiques systémiques.

En gros, nous parlons ici d’une dynamique ascendante ou descendante.

Dans l’écosystème entrepreneurial, la transition est menée de manière ascendante par des petites entreprises, des coopératives et des citoyens, décentralisés, open source,… D’autre part, il y a l’écosystème organisationnel dans lequel des multinationales, des régimes centralisés ou des gouvernements mettent en œuvre le changement de manière descendante. Une société de surveillance en quelque sorte, qui peut prendre forme de manière autoritaire ou démocratique.

Ici aussi, la question de la collecte des données se pose. Celui qui possède les données pourra également orienter les soins en fonction de ces données de santé. Pour le meilleur ou pour le pire ; pensez au système de récompense sociale en Chine par exemple.

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Quel est le lien entre ces transitions et le travail que nous faisons chez Bopro ?

Dirk : Lorsque vous investissez dans l’immobilier, vous ne le faites pas pour les cinq prochaines années. Vous le faites avec une perspective à long terme pour plusieurs décennies. Il est donc important de comprendre quelles dynamiques de transition influenceront l’avenir. Dans les soins aux personnes âgées, les attentes des générations à venir sont: être en meilleure santé, plus autonome, garder son libre esprit, rester plus longtemps chez soi et plus de numérique.

Nous ne disons pas dans notre livre que l’avenir sera exactement comme ça ou autrement, nous donnons une vision de la réflexion existante sur l’avenir de ce secteur.

En comprenant ces courants de pensée, nous essayons de rendre les développements actuels, dès la phase de conception, à l’épreuve du temps afin qu’ils soient adaptés au secteur des soins de demain. La modularité joue alors souvent un rôle crucial.

Cette interview a été publiée le 24/04/2023 sur le site web de BOPRO.